J’ai grandi sur la piste des pow-wow avec ma mère (et plus tard mon beau-père) qui étaient tous deux chanteurs dans un groupe de tambours appelé Whitetail Cree. J’ai grandi en dansant, tandis que ma mère était la choriste de Whitetail Cree. Notre style de chant ancestral, qui continue d’être pratiqué dans les chansons de pow-wow contemporaines, a joué un rôle important dans mon éducation. Sur la piste des pow-wow, il y avait un sentiment de communauté, d’appartenance et une expérience collective de ce que signifie être issue d’une Première nation au Canada et sur l’île de la Tortue (l’Amérique du Nord). Les chants et les chansons sont porteurs d’histoires, de significations et de liens divers.
J’ai été ravie lorsque le haut-commissariat du Canada au Royaume-Uni m’a demandé d’écrire un article sur la série des Chants d’honneur. Il s’agit d’un moyen moderne de mettre en lumière les perspectives des Premières nations, des Inuits et des Métis et la façon dont les peuples autochtones se rattachent aux pratiques culturelles ancestrales tout en exprimant les réalités contemporaines. Sans oublier que la série met en scène certains de mes musiciens autochtones préférés.
Les divers artistes Inuits, Métis et des Premières nations qui ont travaillé en collaboration tout au long de cette série de Chants d’honneur décrivent les vastes complexités auxquelles les peuples autochtones sont confrontés dans la société canadienne de tous les jours. Cette série est également l’occasion de renouer avec les réalités locales autochtones, les traditions ancestrales, le plaidoyer sur le changement climatique et les défis, les nouvelles possibilités et l’élargissement de la création d’espaces sûrs pour que les peuples autochtones puissent exprimer leurs vérités tout en réconciliant nos relations avec l’histoire coloniale du Canada. Et cela tout en continuant à s’adapter aux réalités modernes et en apportant de l’espoir pour l’avenir.
Mais qu’est-ce qu’un chant d’honneur ? Un chant d’honneur va au-delà d’un chant unique. Il fut un temps où chaque chant contenait des connaissances sur les différentes étapes de la vie, des conseils sur les relations des Premières nations et des Inuits avec la terre et un lien avec l’appartenance à la création. Certains chants sont porteurs de guérison et invitent à se connecter à différents éléments de la création. Les chants d’honneur sont des transmissions orales et des intégrations d’histoires collectives transmises de génération en génération.
Le Canada et les Premières nations entretiennent une relation complexe avec la dynamique du pouvoir colonial, fondée sur la suppression et l’exclusion depuis la création des systèmes de gouvernement. Au Canada, de 1884 à 1951, la loi sur l’interdiction des cérémonies a interdit le potlach, un rassemblement traditionnel ancestral des Premières nations du nord-ouest du Pacifique au cours duquel des chants et des danses étaient célébrés. Cette loi s’est étendue à l’ensemble du Canada, affectant diverses Premières nations qui pratiquaient la danse du soleil, la suerie et d’autres cérémonies ancestrales de rites de passage au cours desquelles les chants et les enseignements oraux étaient interdits par la loi. Ces interdictions législatives ont eu un impact sur les liens culturels des Premières nations, des Inuits et des Métis avec les traditions ancestrales.
Sept décennies plus tard, en 2021, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation a été instituée par le gouvernement canadien en étroite collaboration avec les Premières nations, les Métis et les Inuits, en réponse au rapport de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada : Appels à l’action. En ce jour, nous rendons hommage aux enfants qui ne sont jamais rentrés chez eux et aux survivants des pensionnats, qui constituent l’une des parties les plus sombres de l’histoire du Canada. Officiellement, il y a eu 140 pensionnats gérés par le gouvernement fédéral au Canada entre 1867 et 1996[1] . Cette série de chants d’honneur est une réflexion sur les traditions ancestrales et artistiques qui ont façonné les musiciens participants, qui ont nourri les communautés et que certains n’ont tragiquement jamais pu connaître.
Dans la série, la chanteuse inuite Susan Aglukark explique « nous n’allons jamais écrire, pas honnêtement… nous allons aller vers les histoires qui ont besoin d’être racontées, cela nous rend beaucoup plus vulnérables… vous travaillez à partir du cœur ». Pour Fawn Wood, chanteuse des Premières nations (Cree), être autochtone ne se limite pas à se connecter à des chansons : « Nous sommes tellement en phase que nous pensons que tout est lié. Notre langue, notre spiritualité, nos remèdes, nos pratiques, tout cela est lié à la terre et à la base, c’est une partie de la terre ».
Les artistes métis Iskwē et Kinnie Starr ont discuté du point de vue de la représentation des peuples autochtones dans le public mondial d’aujourd’hui. Iskwē explique que « la relation avec les peuples autochtones a consisté à enlever nos corps, […] nous n’avons pas de mot qui unifie notre expérience collective […] ». Les chansons sont un moyen de se reconnecter, de réimaginer et de recréer l’art autochtone moderne pour parler des réalités des peuples autochtones d’aujourd’hui.
Lorsqu’il n’y a pas de mots pour décrire ce que les peuples autochtones continuent de vivre, les chansons sont une forme de création d’espaces d’expression sûrs. En cette journée nationale de la vérité et de la réconciliation, je vous invite donc tous à écouter la série des Chants d’honneur. Écoutez les expériences vécues et les histoires des peuples autochtones.
[1] https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/campagnes/journee-nationale-verite-reconciliation.html
Suppression et interdiction des coutumes traditionnelles – Assemblée des Premières Nations
Peau rouge, masques blancs : Rejeter la politique coloniale de la reconnaissance – Glenn Coulthard
Défricher les plaines : La maladie, la politique de famine et la perte de la vie autochtone – James Daschuk
Journée nationale de la vérité et de la réconciliation – Le ministère du Patrimoine canadien
Peuples autochtones : Histoire des lois discriminatoires. Peuples autochtones : Histoire des lois discriminatoires – Wendy Moss et Elaine Gardner-O’Toole
Commission de vérité et de réconciliation du Canada : Appels à l’action – Gouvernement du Canada